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2017-11-18T07:55:00+01:00

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

Publié par undetension

 

La nouvelle représentante personnelle du chef de l’État pour la promotion de la francophonie est franco-marocaine, et parle à ce titre très bien des différences de condition féminine entre chaque rive de la Méditerranée. A l'écouter, la jeunesse féminine marocaine n'est pas épanouie.

(…) - On a Facebook, on voit des films du monde entier, on sait ce qui se passe ailleurs. L’âge moyen du mariage est autour de 28 ans. Or les jeunes, entre 18 et 28 ans, ont envie d’avoir une vie sexuelle, mais aussi de vivre l’amour, de se tenir par la main… C’est très humiliant, quand vous invitez votre copine à boire un jus d’orange et qu’on vient vous demander: «C’est qui ? Pourquoi tu es assis avec elle ?» Cette humiliation-là est très grave. C'est une atteinte à la dignité des gens, c'est une atteinte à ce qu'il y a de plus beau dans la jeunesse: la possibilité de vivre ces moments qui construisent un être humain. Et non seulement on empêche les gens d'avoir ça, mais on les éduque avec l'idée que c’est honteux, que ça devrait être caché, que ça ne doit pas être dit. Puis, évidemment, on est obligé de perpétuer ça avec ses enfants pour les protéger…

- Vous dénoncez surtout les articles 489 et 490 du Code pénal qui prévoient «six mois à trois ans de prison» pour les relations homosexuelles et un «emprisonnement d’un mois à un an» pour les relations hors mariage. C’est la clé de voûte du problème?

- Oui. En fait, on ne peut être que vierge ou marié. La sexualité en dehors du lien conjugal est interdite. C’est évidemment inapplicable. D’ailleurs quand c’est appliqué, c’est de manière complètement arbitraire. C’est utilisé pour régler des comptes. Soit directement par la police, qui utilise cette loi pour arrêter des gens. Soit à titre individuel: pour vous venger de quelqu’un, vous le dénoncez à la police, qui l’arrête. Mais même le ministre de la Justice dit aujourd’hui: «Nous n’allons pas commencer à entrer dans des maisons où il y a un couple qui vit. Si les voisins ne se plaignent pas à la justice parce qu’un couple non marié les dérange, ces derniers ne seront jamais incriminés.» La loi est donc bien devenue complètement absurde, dans les faits (...)
S
i on change cette loi, le Maroc ne va pas s’écrouler, on ne va pas être dans la dépravation. Je pense que c’est même l’inverse. Aujourd’hui, il y a plus d’insécurité sexuelle avec ces lois-là que s’il existait des lois à la mesure de ce que vivent les gens. (...)
On est immédiatement confronté à des gens très conservateurs sur le plan de la religion. Si on veut défendre ça, on défend l’occidentalisation du Maroc, la dépravation, la débauche, la fitna: c'est-à-dire la débâcle, l'anomie.
Mais le corps de la femme doit être respecté, il doit lui appartenir. C’est un sujet qu'il faut absolument défendre dans la société marocaine, et partout d’ailleurs.

- Quel genre d’histoire vous semble particulièrement symptomatique du problème que vous dénoncez ?

- Ce qui m’a beaucoup marquée, ce sont les femmes de la classe moyenne qui ont choisi la liberté à 20-25 ans. Elles ont décidé, alors que ce n’était pas dans leur éducation, d’avoir une sexualité, des amoureux, de faire des études, de travailler. Puis, à 30-35 ans, elles le regrettent en se disant: «Je ne vais plus pouvoir me marier, ni vivre dans mon quartier parce que les gens savent que j’ai eu des relations.» L’émancipation féminine, quand elle n’est pas soutenue, par l’Etat ou la culture ambiante, n’a pas de véritable assise. Il faut qu'elle soit confortée par d'autres. Vous ne pouvez pas la vivre toute seule.
Ce qui m’a vraiment peinée, c’est l’immense solitude de ces femmes qui font marche arrière après avoir choisi la liberté, pour se faire refaire l’hymen, se voiler ou mentir. Je trouve ça très triste, des femmes de 35 ans qui font semblant d’être vierges, qui miment la virginité avec des hommes dans l'espoir qu'ils voudront bien les épouser. Je trouve ça avilissant, voilà. Et dangereux. Pousser les gens à cette attitude-là, c’est extrêmement triste et dangereux pour nos sociétés. Un Etat a tout à gagner à avoir des citoyens capables d’émancipation.

- Plusieurs femmes vous disent bien le sentiment de libération extraordinaire qu’elles ont éprouvé en découvrant le plaisir, voire la possibilité de se comporter «comme un homme» en allant séduire quelqu’un en boîte de nuit.

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

Mais l’une des contreparties, vous y avez fait allusion tout à l’heure, c’est le drame des avortements, dans des conditions souvent dures.

- Presque toutes les femmes à qui j’ai parlé en ont vécu. Dans ce pays où c’est interdit, il y en a énormément. Les pouvoirs publics marocains ont pris conscience en 2015 du problème sanitaire lié à l'avortement. La loi a un peu changé [l’avortement est désormais possible, mais uniquement pour des raisons de santé]. Pour moi, elle n'est toujours pas satisfaisante, mais ça montre qu’un débat est possible, et qu'on peut avancer.
Il y a toujours ce sentiment que la société n'est pas prête à supporter une évolution. Moi, ce que je ne comprends pas, c'est comment la société est prête à supporter les bébés dans les poubelles mais pas qu’on légalise l'avortement. (...) 

- Vous parlez de «schizophrénie»: les hommes veulent à la fois coucher avec des filles et en épouser une vierge.

- Les hommes sont aussi victimes de ce système, parce qu’ils ont envie de vivre, tout simplement. Mais cette mentalité-là subsiste parce que c’est la dernière chose qui leur reste, la dernière marque de virilité dans une société où le modèle occidental gagne du terrain. C'est ce que j'explique sur le plan historique. La colonisation, puis l’hégémonie de la culture occidentale, font qu’il y a un sentiment de dépossession. Donc on s’accroche à un modèle traditionnel par peur de l’inconnu.
L’homme n’a peut-être ni boulot, ni argent, ni bagnole, ni visa pour voyager – toutes ces choses très humiliantes qu'on n'imagine pas parfois vues de l'Occident – mais il peut encore épouser une vierge, tenir son foyer et avoir une femme vertueuse. On fait peser sur les Maghrébines ces humiliations successives et le besoin de restaurer l’honneur de nos sociétés. C’est lourd à porter, et injuste, pour ces femmes.

Et puis comme l’Etat est parfois plus libéral qu’une partie de la société, il ferme les yeux sur certaines choses. Du coup d’autres pans très conservateurs de la société se substituent à l'Etat. Il y a donc des violences terribles parce qu’on veut faire justice soi-même. En particulier contre les homosexuels: des familles dénoncent leurs enfants pour qu’on les mène en prison, on est entré dans une maison pour frapper deux homosexuels, on en a lynché un à Fès… Dépénaliser l’homosexualité est un combat très important, sur lequel il ne faut rien lâcher. C'est un des grands combats à mener dans le monde arabo-musulman.

 

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

- Dans un long chapitre passionnant, vous montrez que la religion joue un rôle important, mais pas déterminant (...), vous ne faites pas le procès d’un islam essentiellement puritain et machiste…

- Les musulmans ne sont pas d’abord des musulmans. (…) Pas besoin d’être musulman pour être machiste! C'est pour ça d’ailleurs que je suis féministe. Je ne suis pas féministe parce que je suis née dans un pays musulman. Je suis féministe parce que je suis témoin des inégalités dont sont victimes les femmes: les sociétés patriarcales existent bien au-delà du monde musulman. Et si on devait les interpréter littéralement, il me semble que les religions monothéistes sont à peu près à égalité sur la misogynie.
Enfin, si on veut ramener l'islam à une culture, il faut bien voir que la culture islamique n’a pas été de tout temps puritaine, conservatrice, avec parfois une espèce d’instinct de mort. Ça a aussi été une grande culture de l'érotisme, de la vie, de la célébration de l'amour, de la célébration de l'autre et de l'ouverture au monde. (…)  Mahomet est très particulier par rapport aux autres prophètes puisqu’il a eu des amours et une vie sexuelle, contrairement à Jésus. Ça aussi, c'est important de le rappeler.
Enfin, le Maroc n’a pas grand-chose à voir avec l'Arabie saoudite, par exemple (…) La majorité des Marocains sont choqués de voir des femmes en niqab ou des gens habillés à l’afghane dans leurs rues. D'ailleurs le niqab est désormais interdit au Maroc, ça ne correspond pas à notre culture. (...) Protéger la culture marocaine, c’est protéger une culture où il y a de l'humour et de la tendresse vis-à-vis de l'autre, notamment des enfants et des êtres fragiles. Cette culture-là pourrait être très valorisée si on le voulait bien.

- Pour montrer que le corps n’est pas nié par l’islam, vous citez même le cas paradoxal des prédicateurs durs, qui recommandent la masturbation…

- Les islamistes sont obsédés par le sexe. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, on pourrait en donner des explications psychanalytiques… Dans leurs émissions télévisées, il y a tout le temps des trucs sur le sexe. Et dans des sociétés où vous n'avez pas d'éducation sexuelle, où on vous explique que tout votre comportement doit être guidé par le Coran, des gens appellent dès qu’ils se posent une question: «Est-ce que j'ai le droit de me masturber? De coucher avec une fille de 13 ans?» Le prédicateur dit: «Attendez, je vous répondrai.»
Trois jours plus tard il sort une réponse, une espèce de réponse «hallal». Le fameux imam Zamzami, par exemple...

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

Enfin, le Maroc n’a pas grand-chose à voir avec l'Arabie saoudite, par exemple (…) La majorité des Marocains sont choqués de voir des femmes en niqab ou des gens habillés à l’afghane dans leurs rues. D'ailleurs le niqab est désormais interdit au Maroc, ça ne correspond pas à notre culture. (...) Protéger la culture marocaine, c’est protéger une culture où il y a de l'humour et de la tendresse vis-à-vis de l'autre, notamment des enfants et des êtres fragiles. Cette culture-là pourrait être très valorisée si on le voulait bien.

- Pour montrer que le corps n’est pas nié par l’islam, vous citez même le cas paradoxal des prédicateurs durs, qui recommandent la masturbation…

- Les islamistes sont obsédés par le sexe. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi, on pourrait en donner des explications psychanalytiques… Dans leurs émissions télévisées, il y a tout le temps des trucs sur le sexe. Et dans des sociétés où vous n'avez pas d'éducation sexuelle, où on vous explique que tout votre comportement doit être guidé par le Coran, des gens appellent dès qu’ils se posent une question: «Est-ce que j'ai le droit de me masturber? De coucher avec une fille de 13 ans?» Le prédicateur dit: «Attendez, je vous répondrai.»
Trois jours plus tard il sort une réponse, une espèce de réponse «hallal». Le fameux imam Zamzami, par exemple...

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

..a préconisé la masturbation comme «solution provisoire pour les jeunes musulmanes et musulmans, le temps qu’ils puissent se marier.» Ou il a dit qu’on peut coucher avec sa femme jusqu’à trois heures après sa mort pour lui dire au revoir… C’est souvent absurde, et parfois très glauque.

- Cette critique du paramètre religieux s’accompagne d’une critique sociale et politique. D'une part, vous soulignez que l'argent, comme sur beaucoup de sujets finalement, offre la meilleure manière de faire ce qu'on veut, et que la misère sexuelle dépend aussi des inégalités sociales. Par ailleurs vous citez Foucault pour expliquer que «les droits sexuels font partie des droits de l'homme», donc de la femme, et où vous expliquez bien que tout cela fait partie d'un dispositif coercitif qui permet au pouvoir de s'exercer. A partir du moment où il s’exerce sur les corps et sur la manière dont les gens ont des relations sexuelles ou pas, cela conditionne aussi les esprits pour leur faire accepter des lois sur de nombreux autres sujets.

- On voit un peu trop les citoyens comme des enfants, qui ne sont pas capables d'avoir une éthique, une vie privée, une intimité. Cette façon de toucher à leur dignité est aussi une manière de les tenir. Bien sûr, le citoyen a des droits, mais quand son corps ne peut pas vivre totalement dans l'espace public, il y a dès le départ quelque chose de contraint. Libérer les corps des citoyens est aussi une façon de libérer leurs esprits. Les deux sont liés. (...) Quand le citoyen commence à manifester, son corps se libère.
C'est extrêmement important qu’il puisse le faire. Sinon, quand vous voyez que quelqu'un de riche peut vivre sa vie et s'épanouir, quand vous passez devant un restaurant où vous voyez des couples que les flics ne viendront jamais emmerder, alors que ça n’est pas à votre portée parce que vous n’avez pas les moyens d’entrer dans ce restaurant sans vous faire foutre dehors, ça nourrit des haines sociales qui sont absolument terribles.



 

Depuis Mahomet (570 - 632), la condition féminine dans certains pays musulmans s'est...dégradée !

- Vous évoquez Kamel Daoud*. Pour lui aussi, le monde arabo-musulman est miné par les frustrations sexuelles. Or il lui a été reproché, au moment des viols commis à Cologne, de véhiculer des clichés orientalistes… Comment vous situez-vous dans cette polémique?

- Je comprends ce que Kamel Daoud* a voulu dire. Oui, il y a dans les sociétés arabo-musulmanes une misère sexuelle qu'on ne peut pas nier, et du coup parfois des déferlements de violence, ainsi qu’une attitude dans la rue qu'on n'imagine pas forcément ici: une façon de parler aux femmes, une façon de de les regarder.
La femme, c’est très paradoxal, est inaccessible parce qu’on ne peut pas avoir de relations sexuelles légalement et, en même temps, on vous dit que vous pouvez la posséder. La femme occidentale dite libérée, qui se balade en jupe, met mal à l’aise beaucoup d’hommes.
Il faut installer progressivement, calmement, l’idée que les hommes ne sont pas obligés d’être des prédateurs et que les femmes n’ont pas à être des proies. C’est une question d’éducation. Chaque partie doit faire un pas, considérer qu’on n’est pas des ennemis, que ma liberté n’est pas une atteinte à la virilité des hommes et que je n’ai pas besoin, pour «me protéger des animaux», comme disent beaucoup de femmes, de me mettre un voile. Je ne rejette pas les conservateurs qui tiennent au port du voile. Je veux juste qu’on vive ensemble, avec nos idées différentes : celui qui veut rester vierge jusqu’à 30 ans peut le faire, si je garde le droit de faire différemment.

- Votre livre évite en effet soigneusement de distribuer les bons et les mauvais points. Il plaide essentiellement pour plus de dialogue.

- Oui, d’autant que la société marocaine est une société qui peut vraiment nous étonner. C’est possible. Elle est mûre sur de nombreux aspects. Tous les Marocains en ont ras le bol de l’hypocrisie, de la schizophrénie et de la langue de bois.

- Le récent viol d’une jeune femme, par trois adolescents dans un bus à Casablanca, a suscité une émotion considérable… Est-ce le signe d’un changement des mentalités?

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- Je l’espère, même si beaucoup de réactions disent encore que c’est la faute de cette femme, qu’elle avait qu’à ne pas se trouver à cet endroit-là à ce moment-là. La vidéo de ce viol montre la faillite de l’éducation sur les questions du corps et de la relation à l’autre. Elle rappelle surtout combien la mixité reste un combat: il faut en faire un enjeu, un projet de société, non seulement pour défendre mais aussi pour légitimer la place des femmes dans l’espace public. Qu’elles puissent s’y déplacer seules, habillées comme elles le veulent. Pour l’instant, c’est un parcours du combattant. Elles ont peur.

- Vous parlez beaucoup d'éducation, notamment pour dire que les mères de famille ont une responsabilité dans la façon dont elles éduquent leurs enfants, selon qu’ils sont garçons ou filles. Et vous, quelle éducation avez-vous reçue?

- J’ai justement écrit ce livre parce que, adolescente, j’ai été très en colère, très énervée: je ne comprenais pas mon éducation. Mes parents m’expliquaient que je pouvais croire dans certaines valeurs, mais qu’il ne fallait pas que je le dise. Or à 17 ans, vous avez envie de vous affirmer, de crier sur les toits quand vous êtes amoureuse…
Une fois, je me souviens, je suis allée à une soirée de Nouvel An avec des copains dans une voiture. Ils m’emmenaient à la soirée, comme ça arrive tous les jours en Europe. Mais les flics nous ont arrêtés et interrogés pendant une heure: «Mais elle, c’est qui? Elle n'est pas de votre famille, ce n'est pas ta cousine, etc.» Après, comme on avait une jolie voiture, ils nous ont réclamé 100 dirhams, c’était réglé. Je me suis dit: «J’ai de la chance. Parce que je suis du bon côté, je ne me retrouverai pas dans le panier à salade.» Mais j’avais conscience, je savais que pour la majorité des gens, c’est loin d’être le cas. Donc cette éducation-là m'a poussée aussi à comprendre cette ambiguïté, cette espèce de double identité à laquelle on est toujours contraint.
(...)

extraits d'une interview parue dans L'Obs du 31-08-2017 et du 31-10-2018

 

*à lire prochainement

 

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reproductions de B.D. ci-dessus : Paroles d'honneur, de Laëtitia Coryn, textes de Leïla Slimani inspirés de témoignages de femmes recueillies au Maroc

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