Parmi les rares français émigrés à Hollywood, Michel Gondry présente un talent bien singulier. Il fait des films complètement déjantés ! Qui rapportent de
l’argent !
"Eternal sunshine of the spotless mind" avait, en 2004, littéralement crevé (et illuminé !) l’écran, aux côtés de « Collatéral » et « Lost in
translation ». Cette fable poétique bénéficiait du charisme de Kate Winslet et de Jim Carey, correctement dirigé (c’est-à-dire contraint de jouer sobre et juste, ce qu’il est parfaitement
capable de faire, et pas d’accumuler les numéros de cirque, de tirer en permanence la couverture à lui, par de lassantes pitreries).
Et voilà que sort ce mois-ci son nouvel opus, Soyez sympas, rembobinez, une magistrale leçon de cinéma, sans premiers rôles connus (le générique mentionne de grandes gloires, Danny Glover, Mia Farrow, Sigourney Weaver, mais ils n’occupent que des seconds rôles).
Je ne retiendrai pas que j’ai failli m’étouffer de rire à plusieurs reprises, tellement certaines scènes sont hilarantes, mais plutôt la densité et la logique du
projet, car l’histoire est très structurée, elle ne cherche pas le gag pour le gag : elle questionne aussi, ou émeut. Et, surtout, émerveille.
Gondry invente un conte moderne, que l’on peut résumer ainsi :
Question : comment gagner de l’argent dans un magasin de location de films miteux d’une banlieue new-yorkaise pauvre ?
Réponse : en suédant des cassettes pour magnétoscope et en ne proposant pas de dvd.
Bref, on ne peut pas vraiment expliquer à quoi ressemble cet ovni cinématographique, et c’est tant mieux. Gondry a le don de créer du décalage avec la réalité, du merveilleux, à chaque film.
Il se surpasse ici, et le film vaudrait ne serait-ce que par les cinq minutes en noir et blanc consacrées au pianiste de jazz Fats Waller.
Le sobre journal "Le Monde" parle d’ailleurs de burlesque follement original, alliant outrance et finesse, maîtrise et improvisation, confectionné avec une maestria à couper le souffle ! Et pointe avec raison le plaisir d’entendre un discours de lutte contre la standardisation aseptisée, contre la déculturation mondialisée, et cherchant à porter au pouvoir l’imagination, la gentillesse, la solidarité (Capra n’est pas loin !).
Plus inventif, plus original, plus drôle que « Little miss sunshine », (le compliment n’est pas mince), doté d’une fin merveilleusement poétique, ce petit film délivre, en outre, un message plein d’optimisme : nous, tous spectateurs autant que nous sommes, avons en nous un potentiel d’acteur et de réalisateur, et l’argent n’est pas un obstacle. Avec trois bouts de ficelle, on peut éteindre son dvd et son téléviseur, se lever de notre canapé et refaire « les dix commandements » dans notre salon. Oui, en chacun de nous, un pouvoir créatif existe, il suffit simplement de sortir des normes sociales qui nous réduisent à l’état de consommateur passif, dénué de courage, dvdvore, et de fermer les yeux, pour réinventer le monde.
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/03/04/soyez-sympas-rembobinez-la-comedie-dejantee-de-michel-gondry_1018621_3476.html?xtor=RSS-3476
http://www.lemonde.fr/cinema/article/2008/03/04/michel-gondry-une-utopie-dans-laquelle-les-gens-creent-leurs-propres-distractions_1018622_3476.html#ens_id=1018702
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