Le pétrole comme pompe à dollar, le pétrolier comme pompe à sang (cent ?)

Le film There will be blood est à la fois intimiste -peu de personnages- et grandiose (sujet ambitieux, mise en scène digne de John Ford), et présente l'espèce masculine comme essentiellement (ah, ah ! l'essence du film sur le pétrole !) fourbe, égoïste, ambitieuse (voire mégalomane) et violente. La famille est essentiellement un leurre, un espace apparemment protecteur, et en réalité destructeur, dans lequel les femmes n'ont pas leur mot à dire, et les enfants doivent tenter de grandir malgré les traumatismes intimes.
Les paysages photographiés sont aussi arides, aussi secs que le cœur du héros.
Et on peut voir dans les plans tournés dans la quasi obscurité du fond du puit, la métaphore de la noirceur du fond de l'âme du héros : on ne découvre nulle richesse en creusant le personnage, bien au contraire.
C'est, au sens propre du terme, une descente aux enfers.


Impressionnante composition de Daniel Day-Lewis, qui vide les êtres qu'il côtoie de leur sang ("There will be blood", prévient le titre), et les terrains qu'il fore de leurs richesses naturelles.

Impressionnante charge contre les faux prophètes, aussi ! L'argent et la religion sont renvoyés dos à dos, considérés comme des valeurs dangereuses, surtout lorsqu'ils se retrouvent aux mains d'ambitieux charismatiques et sans scrupule.


Le réalisateur, P.T. Anderson, prouve que la réussite de Magnolia, en 2000, n'était pas un accident.

Les récentes réussites des films américains d'une extrême noirceur*, prouvent que « les clients des multiplexes d'Amérique du Nord ne consomment pas exclusivement des produits décérébrant », comme l'expliquait récemment un journaliste.
Parmi tous les films broyant du noir, le noir du pétrole est sans doute le pire, visqueux, collant à la peau, il ne manque guère que son odeur pour que nous soyons incommodés au point de vouloir quitter la salle.

Ironie de l' histoire, le pétrole a été à ses débuts d'une efficacité écologique considérable !
Le monde entier s'éclairait en effet à l'huile de baleine à la fin du XIX° siècle, et ce noble mammifère ne doit sa survie qu'à l'abandon de ce combustible !

Superbe musique**, magnifique photographie, décors naturels grandioses, voilà un spectacle magistral de trois heures à voir sur grand écran au cinéma.

*cf. Michael Clayton (5-11), Dans la vallée d'Elah (12-11), American Gangster (18-11), Les promesses de l'ombre (3-12), La nuit nous appartient (31-12), No country for old men (28-01), ce dernier ayant mérité de rafler les Oscars les plus prestigieux.

**En plus des compositions originales du guitariste de Radiohead, on entend la sublime musique de Pärt, avec des extraits de Fratres.