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2009-01-12T23:19:00+01:00

Bon anniversaire, MONSIEUR

Publié par undetension
Peu de temps avant Boulez en décembre dernier, j'avais eu la chance de voir (c'est un euphémisme) Dutilleux. Dommage qu'il n'y ait pas de prix Nobel de musique, il ne fait aucun doute qu'il l'aurait eu depuis longtemps !
Pour moi, c'est presque un Dieu vivant, l'égal d'un Rameau, Ravel ou Debussy dans l'histoire de la musique.
Alors quand j'ai su, la veille du concert, qu'on m'offrait une place pour la célébration du quarantième anniversaire du Conservatoire qui porte son nom, et que le maître serait dans la salle, j'ai sauté de joie comme un gamin, et retrouvé le réflexe de ma jeunesse : prendre de quoi obtenir un autographe.
Je n'y croyais guère, car il avait 92 ans, et 93 aujourd'hui !
Je me rends donc au théâtre municipal le 18 octobre : les professeurs du conservatoire se succédent sur la scène, puis vient l'heure de l'entracte.



J'arrive à faire une photo, avant de tenter de m'approcher du maître, en grande conversation avec le député-maire...



...Au moment où ce dernier porte son regard sur moi, je profite du blanc de la conversation pour demander le fameux autographe.



J'avais amené le c.d. de Tout un monde lointain : son écriture est assez maladroite, mais je peux vous dire que son cerveau fonctionne à merveille, qu'il peut raconter des anecdotes d'avant guerre (il a connu Prokofiev !). Il reconnaît Lutoslawski sur la photo, dit un mot sur lui, puis enchaîne sur d'autres sujets musicaux. Je ne veux pas en dire davantage, nous avons parlé pour ainsi dire en tête à tête pendant près de dix minutes. Voilà, c'est secret, sachez simplement qu'autant de modestie, d'humanité, d'humour chez une personne qui est rentrée de son vivant dans la légende, c'est tout bonnement inimaginable.
Rendez vous compte qu'il a écrit le plus grand concerto pour violoncelle du répertoire avec celui de Dvorak !




Arrive alors la pianiste Marie-Josèphe Jude, qui jouera un mouvement de la sonate de Dutilleux juste après l'entracte, je m'éclipse le cœur chaud. Je ne regarde même pas mon autographe, je me dis que j'ai eu mille fois mieux, un moment privilégié, inespéré, avec une idole, un génie : trop belle la vie.
Je parlerai une autre fois de la raison pour laquelle j'ai été invité au spectacle : car je vivrai un autre moment inoubliable après l'entracte, et la soirée se finira à 5h du matin. Trop gâté.




Pour en revenir à Dutilleux, et apprécier son importance, rappelons que le Monde a encensé le compositeur dans un article du 9-09-2007 relatant la création mondiale de sa dernière œuvre au Japon, lui consacrant une demi-page.
Si vous voulez assister à la création française, cochez le 7 mai 2009 sur votre agenda !


"Henri Dutilleux, grave et léger


La soprano Renée Fleming et le chef d'orchestre Seiji Ozawa auront attendu avec impatience Le Temps l'horloge, la nouvelle partition qu'Henri Dutilleux, le plus grand compositeur français vivant, vient d'écrire pour eux. (...)

Ozawa a dirigé de mémoire, comme s'il la connaissait depuis toujours. Il est vrai que le chef japonais possède une affinité particulière avec la musique de Dutilleux, dont il a souvent dirigé les grandes pages et créé les essentiels Shadows of Time (1997). Renée Fleming l'aura chantée de cette voix pleine et riche qu'on lui connaît (dont Dutilleux dit être "amoureux") et avec une aisance également remarquable.

Car Dutilleux, âgé de 91 ans, est un scribe lent, exigeant, impitoyable envers sa musique dont il ne veut donner que le meilleur. Depuis The Shadows of Time, le compositeur n'aura produit que trois partitions : une courte pièce pour violon et orchestre destinée à Anne Sophie Mutter, Sur le même accord (2002), un cycle de mélodies, Correspondances (2003), pour soprano et orchestre, écrit pour Dawn Upshaw, et Le Temps l'horloge (2007).

De sorte que son catalogue, relativement restreint, est l'un des plus admirés qui soient. Mieux, il est aimé : son concerto pour violoncelle Tout un monde lointain (1970), écrit pour Mstislav Rostropovitch, ou Métaboles (1965), écrit pour le chef George Szell et l'Orchestre de Cleveland, sont devenus des "classiques", des piliers de répertoire.

Le Temps l'horloge comptera, dans sa version définitive, quatre mélodies : aux trois premiers chants - deux sur des textes du poète Jean Tardieu (1903-1995), un sur le beau poème testamentaire de Robert Desnos, Dernier Poème -, Dutilleux veut adjoindre un quatrième, sur le poème de Baudelaire, Enivrez-vous. La création française de l'oeuvre, qui ne pourra pas se tenir à la fin septembre à Paris, comme envisagé, pour des raisons de concordances de calendrier, est donc reportée à 2009, ce qui permettra d'entendre alors le cycle dans son intégralité.

Le Temps l'horloge surprendra ceux qui attendent du compositeur un chef-d'oeuvre testamentaire, façon Neuvième symphonie de Mahler. D'abord, Dutilleux va fort bien et n'a pas dit son dernier mot (on murmure qu'il songerait à un deuxième quatuor à cordes). Ensuite, si elle n'est pas "testamentaire", Le Temps l'horloge est un chef-d'oeuvre - discret, grave et léger, à l'image de son auteur. Ces trois brèves mélodies ont les qualités de l'art du concentré dont témoignent tant de manifestations de la culture nippone. Et pourtant, elles sont on ne peut plus françaises dans leur ton, leur raffinement orchestral.


LIBERTÉ MERVEILLEUSE


Au moment où le texte de la deuxième mélodie évoque un "astre vert", Henri Dutilleux fait entendre un accord d'une étrangeté fascinante : il a empilé les douze sons de la gamme chromatique, et pourtant son accord n'a rien d'un "cluster", ces conglomérats de notes typiques de l'avant-garde, mais respire l'air d'autres planètes, comme doué d'une sorte d'étrange sortilège, d'une olfaction inédite...

Dutilleux s'offre une liberté merveilleuse : celle de s'inscrire dans une tradition (la mélodie française), de renouer avec ses mélodies de jeunesse (dans lesquelles il dit ne pas se reconnaître vraiment) tout en conférant à ces nouvelles pièces une lumière neuve.

Le Temps l'horloge possède cette allègre sérénité qui colore les dernières oeuvres du compositeur hongrois György Ligeti (1923-2006) ou du Polonais Witold Lutoslawski (1913-1994) - qui a réussi lui aussi un chef-d'oeuvre pour voix et orchestre, les Chantefleurs et chantefables (1991), sur des textes de Robert Desnos. Ces artistes ont traversé le siècle en étant perméables à leur temps sans souscrire aux modes. Ils ont renoué avec eux-mêmes sans s'être jamais perdus.

Décidément, au côté de la Pavane pour une infante défunte, de Ravel (qu'Ozawa a dédiée au ténor Luciano Pavarotti, dont la mort venait d'être annoncée) et de la Symphonie fantastique, de Berlioz, jouée d'une manière extraordinaire par le chef japonais et son orchestre d'élite, étourdissant de qualité, les "brillants cristaux nocturnes de l'été" (Jean Tardieu) que sont ces trois mélodies de Dutilleux faisaient belle et haute figure."





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