Harmonies poétiques et religieuses

Rarement jouées intégralement, le cycle des dix Harmonies contient trois pièces essentielles, bénéficiant d’interprètes d’exception.

Dans Pensée des morts, Richter réussit l’impensable : nous parler d’une voix d’outre tombe, réussir à décrire le néant. Un au-delà glacial. A noter que l’essentiel du disque est consacré à un quintette de Franck superlatif, tendu à l’extrême, étouffant.

Funérailles, comme son nom l’indique, nous rapproche aussi de la tombe. Avec Horowitz, on quitte la réalité pour un cauchemar, le piano est martelé à réveiller les morts : une formidable sensation d’inéluctable. Arrau et Fiorentino conjuguent gravité et puissance dans une optique moins hallucinée, plus austère, mais tout aussi intimidante. (cf. article sur la Sonate pour la pochette des albums).

Changement total de climat avec Bénédiction de Dieu dans la solitude, tourné non plus vers les ténèbres, mais vers la lumière. Qui nous emmènera au ciel ? Bolet et Arrau, comme souvent, mais une vision de franc tireur surpasse encore ces témoignages irééprochables. Le méconnu Païk étire le tempo, et arrive à arrêter le temps ! Nous voilà détachés de toute contingence matérielle, nous planons littéralement, nous trouvons la paix intérieure : miraculeux.

Brendel, lui, a gravé ces trois extraits du recueil avec un égal génie, nul doute que l’éditeur remettra sur le marché ses mythiques enregistrements cette année. C’est avec lui que l’introspection est poussée la plus loin.