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2011-04-05T22:20:00+02:00

le genre humain menacé

Publié par undetension

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"Une information fondamentale publiée par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) est passée totalement inaperçue : le pic pétrolier s'est produit en 2006. Alors que la demande mondiale continuera à croître avec la montée en puissance des pays émergents (Chine, Inde et Brésil), la production de pétrole conventionnel va connaître un déclin inexorable après avoir plafonné. La crise économique masque pour l'heure cette réalité. (…) Les prix de l'énergie ne peuvent (…) que s'affoler.(…)

Chocs pétroliers à répétition jusqu'à l'effondrement et péril climatique. Voilà donc ce que nous préparent les tenants des stratégies de l'aveuglement. La catastrophe de Fukushima alourdira encore la donne énergétique.

De telles remarques génèrent souvent de grands malentendus. Les objections diagnostiquent et dénoncent aussitôt les prophètes de malheur comme le symptôme d'une société sur le déclin, qui ne croit plus au progrès. (…)

Cette situation fait apparaître "le spectre menaçant de la tyrannie" évoqué par le philosophe allemand Hans Jonas. Parce que nos démocraties n'auront pas été capables de se prémunir de leurs propres excès, elles risquent de basculer dans l'état d'exception et de céder aux dérives totalitaristes. (…)

Enfermée dans le court terme des échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s'est peu à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue incapable de penser le temps long. Or la crise écologique renverse une perception du progrès où le temps joue en notre faveur. Parce que nous créons les moyens de l'appauvrissement de la vie sur terre et que nous nions la possibilité de la catastrophe, nous rendons celle-ci crédible. (…)

Il est impossible de connaître le point de basculement définitif vers l'improbable ; en revanche, il est certain que le risque de le dépasser est inversement proportionnel à la rapidité de notre réaction. Nous ne pouvons attendre et tergiverser sur la controverse climatique jusqu'au point de basculement, le moment où la multiplication des désastres naturels dissipera ce qu'il reste de doute. Il sera alors trop tard. Lorsque les océans se seront réchauffés, nous n'aurons aucun moyen de les refroidir.

 

La démocratie sera la première victime de l'altération des conditions universelles d'existence que nous sommes en train de programmer. Les catastrophes écologiques qui se préparent à l'échelle mondiale dans un contexte de croissance démographique, les inégalités dues à la rareté locale de l'eau, la fin de l'énergie bon marché, la raréfaction de nombre de minéraux, la dégradation de la biodiversité, l'érosion et la dégradation des sols, les événements climatiques extrêmes... produiront les pires inégalités entre ceux qui auront les moyens de s'en protéger, pour un temps, et ceux qui les subiront. Elles ébranleront les équilibres géopolitiques et seront sources de conflits.

L'ampleur des catastrophes sociales qu'elles risquent d'engendrer a, par le passé, conduit à la disparition de sociétés entières. C'est, hélas, une réalité historique objective. A cela s'ajoutera le fait que des nouvelles technologies de plus en plus facilement accessibles fourniront des armes de destruction massive à la portée de toutes les bourses et des esprits les plus tourmentés.

Lorsque l'effondrement de l'espèce apparaîtra comme une possibilité envisageable, l'urgence n'aura que faire de nos processus, lents et complexes, de délibération. Pris de panique, l'Occident transgressera ses valeurs de liberté et de justice. Pour s'être heurtées aux limites physiques, les sociétés seront livrées à la violence des hommes. Nul ne peut contester a priori le risque que les démocraties cèdent sous de telles menaces.

Le stade ultime sera l'autodestruction de l'existence humaine, soit physiquement, soit par l'altération biologique. Le processus de convergence des nouvelles technologies donnera à l'individu un pouvoir monstrueux capable de faire naître des sous-espèces. C'est l'unité du genre humain qui sera atteinte. Il ne s'agit guère de l'avenir, il s'agit du présent. Le cyborg n'est déjà plus une figure de style cinématographique, mais une réalité de laboratoire, puisqu'il est devenu possible, grâce à des fonds publics, d'associer des cellules neuronales humaines à des dispositifs artificiels.

 

L'idéologie du progrès a mal tourné. Les inégalités planétaires actuelles auraient fait rougir de honte les concepteurs du projet moderne, Bacon, Descartes ou Hegel. A l'époque des Lumières, il n'existait aucune région du monde, en dehors des peuples vernaculaires, où la richesse moyenne par habitant aurait été le double d'une autre. Aujourd'hui, le ratio atteint 1 à 428 (entre le Zimbabwe et le Qatar).

Les échecs répétés des conférences de l'ONU montrent bien que nous sommes loin d'unir les nations contre la menace et de dépasser les intérêts immédiats et égoïstes des Etats comme des individus. Les enjeux, tant pour la gouvernance internationale et nationale que pour l'avenir macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le gaspillage.

Nos démocraties doivent se restructurer, démocratiser la culture scientifique et maîtriser l'immédiateté qui contredit la prise en compte du temps long. Nous pouvons encore transformer la menace en promesse désirable et crédible. Mais si nous n'agissons pas promptement, c'est à la barbarie que nous sommes certains de nous exposer.

Pour cette raison, répondre à la crise écologique est un devoir moral absolu. Les ennemis de la démocratie sont ceux qui remettent à plus tard les réponses aux enjeux et défis de l'écologie".

 

Michel Rocard*, Dominique Bourg, universitaire, et Floran Augagneur, philosophe

 

Extraits d'un article paru dans Le Monde du 3-04-11

 

 

 

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Dubaï, Sheikh Zayed road, on aperçoit à l'horizon une construction à forme étrange : la piste de  ski couverte.

 

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*Signalons aussi que M. Rocard a co-signé un appel demandant l'attribution du Prix Nobel de la paix à S. Hessel...

 

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... et qu'il a fait une pige dans une section de militants C.F.D.T. :

 

« Ça fait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de réactiver mes 30 ans de cotisation ». Lundi 4 avril, c’est dans un auditorium du siège de la CFDT et à l’invitation des enseignants du SGEN que Michel Rocard est venu plancher, sur le thème des « politiques publiques » et des « réformes de l’Etat ». « J’ai un peu d’expérience dans ce genre de choses. Ils m’ont fait l’honneur de me considérer comme une sorte d’expert. »

 

Pour un auditoire de quelques dizaines de militants, l’ancien premier ministre va, une heure durant, consumer autant d’énergie que pour un Zénith. L’introduction est amère et directe. « Vous avez un problème de sens de la bagarre, de démotivation, l’impression que tout est bouché ». Les raisons de cette situation « ne dépendent pas de votre champ d’action » mais « il faut quand même les comprendre ». A cet effet, suit un étourdissant exposé où défile toute l’histoire contemporaine pour aboutir à notre « capitalisme financiarisé ».

 

 

Après la guerre, explique-t-il, le capitalisme se dote de « trois grands stabilisateurs ».

- Le premier est la sécurité sociale.

- Le second est « l’utilisation des budgets et de la monnaie pour amortir les secousses ».

- Le troisième procède de la célèbre phrase d’Henry Ford : “je paye mes ouvriers pour qu’ils achètent mes voitures”.

Ces trois éléments vont donner les Trente glorieuses qui, selon lui avant même le choc pétrolier de 1973, seront compromises par une série de nouveaux phénomènes.

 

Les actionnaires, regroupés dans des fonds, imposent aux conseils d’administration que « tout ce qu’ils veulent c’est du pognon, un retour sur investissement de 15% ». D’où « une formidable pression sur la masse salariale », amenant précarité, chômage, nouvelle pauvreté, délocalisations et surtout externalisation du maximum de tâches vers de petites entreprises. Le tout dans un contexte où « les capitaux ont un statut, pas l’entreprise comme collectivité humaine productive ».

 

En même temps, l’application de la doctrine monétariste en économie « appuyée par 14 prix Nobel, interdit aux banques centrales d’émettre de la monnaie gratos pour les Etats, qui deviennent tous pauvres ».

 

 

L’ancien premier ministre en vient à « l’unicité mondiale » de « ce monstre qu’est l’éducation nationale ». « Avec 850000 enseignants et 14 millions de scolarisés, je ne sais pas comment on fait. Je ne crois pas que des circulaires écrites puissent faire circuler la vie dans un machin de cette taille. Il faut prendre le risque de courir vers une vraie autonomie de gestion des établissements. Une des solutions possibles serait de tout ramener à l’échelle de la région, à moins d’être capable de gérer sur trente ans ».

 

Malheureusement, « la politique a disparu parce que le système d’information a dérivé vers le spectacle. La démocratie représentative a fait place au sondage sur l’instant ». Si bien que non seulement « vous vous heurterez à une rareté budgétaire définitive », assène-t-il, mais « vous n’aurez plus jamais de ministre compétent sur votre sujet ».

 

« Je ne vous console pas, j’en suis conscient », poursuit Michel Rocard qui - « pardonnez-moi, mes camarades » - rappelle qu’avec 70% de syndiqués, le syndicalisme nordique est capable de soutenir un vrai dialogue social, alors qu’avec seulement 9% en France, « tout le monde se fout du syndicalisme français ».

 

La conclusion sera un peu moins rude. « La seule réponse est le savoir et l’intelligence et ça passe par vous. Seul un syndicalisme de négociation permanente peut faire bouger les choses. Il faudra bien arriver à la civilisation écolo, à un monde durable, biodégradable, réparable, non jetable…Y’a que le syndicalisme éducatif pour y arriver, c’est votre boulot, allez-y les gars… »

 

article paru dans Le Monde du 5-04-2011

 

 

 

 

 

 

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commentaires

F
<br /> C'est pas gai !!<br /> <br /> <br />
Répondre

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