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2011-04-04T07:04:00+02:00

le triomphe inquiétant de la gouvernance par les nombres

Publié par undetension

(...) Le système vit sur un gisement fossile. Il est l’héritier ingrat –et imprudent- d’un corpus de valeurs que d’autres époques ont élaborées dans le passé. Or ces valeurs (confiance, civisme, loyauté…) s’épuisent plus vite encore que les énergies fossiles.

Bénéficiaire inconsciente de cette rente symbolique, la société de marché procède comme un enfant prodigue qui dilapiderait toujours plus vite le capital culturel qui lui a permis d’exister. Quand l’idéologie dominante justifie la cupidité, répudie le concept de bien commun, s’emploie à dissoudre les corps intermédiaires, conspire au recul voire à la disparition de l’Etat (…), alors elle joue contre notre avenir à tous. Elle ébranle le socle sur lequel nos démocraties chancelantes se tiennent encore debout. Ce tropisme autodestructeur, repéré depuis longtemps, est renforcé par les nouvelles dérives du cynisme, par exemple celles qui gouvernent la spéculation boursière. En congédiant le réel, y compris celui de la vieille économie industrielle, on abolit toute capacité d’autolimitation, c'est-à-dire toute vertu.

En matière de culture démocratique, cette abolition des limites débouche sur le plus dangereux des réductionnismes. Le triomphe de la gouvernance par les nombres consiste à faire fond sur la connaissance instrumentale –évaluée, calculée, mathématisée- au détriment des autres formes de savoir, dont la démocratie, au sens large, est le produit fragile. Nombre d’auteurs ont souligné l’existence nécessaire, à côté de la rationalité calculatrice, de la connaissance-beauté de la connaissance-sagesse. Pour reprendre André Gorz, toutes ces dimensions appartiennent à la culture qui ne sert à rien, ou plutôt à rien d’autre qu’à bâtir une société humaine. Or est-il possible d’imaginer une économie, une société, un vivre ensemble sans cet ingrédient premier : la confiance ? Et de quoi la confiance est-elle le fruit, sinon de cette culture inutile, aujourd’hui reléguée, négligée voire moquée par les petits malins qui croient sottement que le monde s’arrête au bout de leur nez.

La panique nucléaire nous aide ainsi à comprendre que, d’ores et déjà, nos démocraties sont dangereusement irradiées.

 

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extrait de la chronique de J.C Guillebaud dans le Nouvelobs du 24-03-11

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